Dans un monde confronté à l’intensification des crises humanitaires, environnementales et politiques, l’évaluation du Programme de Protection Sociale Adaptative pour une Résilience Accrue (PSARA) éclaire de manière cruciale les enjeux de la mise en place de filets de protection sociale dans des contextes de fragilité aiguë. Haïti, marquée par une instabilité politique persistante, des catastrophes naturelles à répétition et une pauvreté profondément enracinée, incarne les défis complexes auxquels les États fragiles doivent faire face pour garantir la protection de leurs populations. Menée par la firme spécialisée en missions de conseils en suivi et évaluation IFEPME dans le département de la Grand ’Anse, cette analyse approfondie examine les mécanismes opérationnels, décrypte les contraintes contextuelles et formule des recommandations stratégiques visant à maximiser l’impact du programme.
S’appuyant sur une méthodologie rigoureuse et une démarche axée sur l’apprentissage institutionnel et la redevabilité, cette évaluation cherche à consolider la résilience des ménages haïtiens tout en jetant les fondations d’un système de protection sociale national pérenne. Loin de se limiter à une simple étude technique, cette initiative porte une vision transformative : promouvoir la justice sociale, redonner la dignité aux populations vulnérables et offrir un modèle inspirant pour le développement social dans d’autres environnements de crise. Afin de saisir pleinement l’ampleur de cette ambition, il convient d’explorer le contexte national dans lequel le PSARA a été mis en œuvre, caractérisé par une conjonction de crises qui a défini ses défis et ses opportunités.
Le PSARA a été déployé dans un contexte national caractérisé par une convergence exceptionnelle de crises multidimensionnelles, rendant son exécution particulièrement complexe. Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, Haïti traverse une crise institutionnelle sans précédent, marquée par un vide de gouvernance, une montée fulgurante de l’insécurité liée à la prolifération des gangs armés et un affaiblissement dramatique des capacités étatiques à fournir des services publics de base. Sur le plan économique, le pays fait face à une récession prolongée, une inflation record ayant atteint près de 50 % au début de 2023, et une aggravation alarmante des indicateurs de pauvreté, avec plus de 60 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté extrême. À ces défis s’ajoutent des catastrophes naturelles récurrentes, telles que le séisme d’août 2021 dans la péninsule sud, qui a causé des pertes humaines massives, détruit des infrastructures essentielles et provoqué des déplacements forcés de dizaines de milliers de personnes.
Ce contexte de crises imbriquées a amplifié les vulnérabilités sociales, accentuant l’urgence d’une réponse structurée, durable et inclusive. Le PSARA, en tant que programme ambitieux de protection sociale, représente une réponse stratégique à ces défis, visant non seulement à atténuer les impacts immédiats des chocs, mais aussi à poser les bases d’un système résilient capable de soutenir les populations à long terme. Dans un tel environnement, la mise en œuvre d’un filet de protection sociale transcende la simple innovation programmatique : elle constitue un impératif éthique et politique pour garantir la survie, la dignité et l’espoir des communautés haïtiennes.
Ce programme incarne également une opportunité unique de repenser les approches de développement social dans des contextes de fragilité, en plaçant les populations vulnérables au centre des priorités. Face à ce contexte exigeant, la composante 1 du PSARA a été conçue comme une réponse ciblée, combinant des interventions immédiates et des stratégies à long terme pour adresser les vulnérabilités tout en favorisant l’autonomisation.
La composante 1 du PSARA a été méticuleusement conçue pour répondre aux besoins immédiats des ménages en situation de précarité extrême tout en jetant les bases d’un système de protection sociale durable et résilient. Structurée autour de deux (2) piliers opérationnels fondamentaux – les transferts monétaires inconditionnels (TMI) et les mesures d’accompagnement (MAcc) – cette composante combine une aide financière d’urgence avec des interventions structurantes visant à promouvoir l’autonomisation économique et sociale à moyen et long terme.
Les TMI offrent un soutien direct pour couvrir les besoins essentiels, tels que l’alimentation, le logement et les soins de santé, tandis que les MAcc englobent des initiatives en inclusion financière, santé, nutrition et hygiène, destinées à renforcer les compétences de vie et le capital humain des bénéficiaires. Cette stratégie intégrée se caractérise par une approche globale, prenant en compte les dimensions économiques, sociales, sanitaires et les inégalités liées au genre et des vulnérabilités, en mettant particulièrement l’accent sur l’inclusion des femmes et des populations marginalisées des zones rurales. En mobilisant les communautés à travers des mécanismes participatifs et des structures locales, le programme favorise l’appropriation des interventions et renforce la cohésion sociale au sein des territoires ciblés.
Cette stratégie multidimensionnelle positionne le PSARA comme un modèle novateur pour les contextes de crise, où la protection sociale doit non seulement répondre aux urgences, mais aussi catalyser des transformations structurelles pour briser le cycle de la pauvreté. En outre, l’accent mis sur l’équité de genre et l’engagement communautaire reflète une volonté de promouvoir des changements systémiques, en s’attaquant aux causes profondes des inégalités et en valorisant le potentiel des populations locales. Pour évaluer l’efficacité de cette approche ambitieuse cette dite méthodologie rigoureuse a été adoptée, permettant ainsi de documenter les résultats et d’identifier les défis opérationnels.
L’évaluation conduite par IFEPME s’appuie sur une méthodologie rigoureuse et multidimensionnelle, conçue pour garantir la fiabilité, la représentativité et la pertinence des résultats. En combinant des approches qualitatives et quantitatives, l’étude a mobilisé une vaste gamme de sources, incluant des données secondaires extraites des rapports de l’Unité de Gestion du Programme (UGP/MAST), les manuels opérationnels, les cadres logiques et les matrices de résultats. Ces données ont été complétées par des informations primaires collectées directement sur le terrain à travers une approche participative. Au total, 67 entretiens semi-directifs ont été réalisés avec des parties prenantes clés, incluant des bénéficiaires, des agents communautaires, des responsables institutionnels et des partenaires techniques et financiers. Par ailleurs, 48 groupes de discussion ont réuni plus de 550 participants dans les 12 communes ciblées, permettant de capturer une diversité de perspectives et d’expériences vécues. Cette méthodologie inclusive a permis d’identifier les écarts entre les objectifs programmatiques et leur mise en œuvre effective, tout en intégrant une analyse transversale des enjeux de genre et d’équité pour garantir une évaluation socialement sensible.
En effet, la triangulation des données, combinée à une saturation méthodique des informations, a renforcé la robustesse des conclusions et la pertinence des recommandations formulées. Cette approche rigoureuse encore une fois illustre l’engagement d’IFEPME à produire une évaluation scientifiquement fondée, capable d’éclairer les décideurs politiques, d’orienter les ajustements stratégiques et de contribuer à la littérature sur la protection sociale dans les contextes fragiles. En outre, la méthodologie adoptée offre un cadre reproductible pour d’autres évaluations similaires dans des environnements en proie au conflit, à la violence et la fragilité. Cette méthodologie rigoureuse enfin a permis d’examiner en profondeur, le processus de ciblage des bénéficiaires, un aspect crucial du programme.
L’analyse du processus de sélection des bénéficiaires, appuyée sur le registre social SIMAST, démontre une efficacité globalement probante, en dépit des obstacles logistiques et des contraintes contextuelles. Plus de 104 000 ménages ont été enquêtés pour actualiser le registre, ce qui a permis d’identifier et de sélectionner 21 900 ménages bénéficiaires sur la base de critères d’éligibilité rigoureux, incluant la pauvreté extrême, la vulnérabilité socio-économique et la localisation géographique dans des zones prioritaires. Des mécanismes de contre-vérification ont été mis en place pour minimiser les erreurs d’inclusion ou d’exclusion, renforçant ainsi la précision et la transparence du processus. Cependant, des obstacles opérationnels ont été recensés, notamment l’absence de chefs de ménage lors des enquêtes, la falsification occasionnelle d’informations par certains participants et la diffusion de fausses informations sur les critères d’éligibilité, souvent dues à des malentendus communautaires. Ces défis, bien que limités dans leur portée, soulignent l’importance d’une communication proactive et d’une sensibilisation accrue pour garantir la compréhension des objectifs du programme.
Malgré ces contraintes, les objectifs quantitatifs du PSARA ont été largement atteints, voire dépassés, démontrant la capacité du système à fonctionner efficacement dans un environnement logistique difficile. Ces résultats mettent en exergue le rôle central d’un registre social dynamique, régulièrement mis à jour, comme fondation des politiques publiques de protection sociale. Ils appellent également à un renforcement des capacités institutionnelles pour assurer la fiabilité, l’évolutivité et l’accessibilité de ce système à l’échelle nationale, tout en intégrant des mécanismes de feedback communautaire pour améliorer la transparence. Si le ciblage a posé des défis liés à la logistique, la gestion de l’identité et l’accès aux services financiers numériques ont également révélé des obstacles structurels essentiels à comprendre pour optimiser les interventions.
Un défi majeur identifié lors de l’évaluation concerne la gestion de l’identité et l’accès aux services financiers numériques, un enjeu critique dans un contexte où l’inclusion financière reste un défi structurel. De nombreux ménages ne disposaient pas de pièces d’identité valides, une problématique exacerbée par l’absence d’infrastructures administratives fiables en matière d’enregistrement des naissances dans les zones rurales. Pour surmonter cet obstacle, des solutions innovantes ont été mises en œuvre, telles que la certification par des témoins communautaires et la distribution de cartes nationales d’identification (NINU) par l’Office National d’Identification (ONI). Ces mesures ont facilité l’utilisation de la plateforme MonCash pour les paiements numériques, un outil clé pour assurer la transparence, la traçabilité et l’efficacité des transferts monétaires.
Toutefois, des obstacles techniques ont entravé le processus, notamment la mauvaise qualité des cartes SIM, les pertes fréquentes de cartes, les incidents de piratage de comptes et une maîtrise limitée des outils numériques, particulièrement parmi les bénéficiaires âgés, analphabètes ou résidant dans des zones reculées. Ces difficultés révèlent un besoin urgent de renforcer l’alphabétisation numérique à travers des programmes de formation adaptés, ainsi que d’offrir un accompagnement individualisé aux bénéficiaires pour naviguer dans les systèmes numériques. Elles soulignent également les limites des infrastructures technologiques dans les zones rurales et la nécessité d’investir dans des solutions adaptées aux réalités locales, telles que des réseaux mobiles plus fiables et des interfaces d’utilisateur simplifiées.
Cet enjeu d’inclusion numérique constitue un défi stratégique pour l’avenir des politiques sociales en Haïti, où l’accès équitable aux services financiers modernes doit être démocratisé pour maximiser l’impact des interventions et promouvoir une autonomie durable. Ces défis numériques, bien que significatifs, n’ont pas empêché le succès des transferts monétaires, dont la mise en œuvre et les résultats méritent une analyse approfondie.
Les transferts monétaires inconditionnels, mis en œuvre par le Programme Alimentaire Mondial (PAM) en partenariat avec Catholic Relief Services (CRS) et le Centre d’Études et de Coopération Internationale (CECI), ont été distribués sur une période de 24 mois, avec des montants variables basés sur – la taille du ménage ou des besoins particuliers, ajustés en raison du taux de l’inflation. Les taux de réception des paiements, oscillant entre 95 % et 99 %, témoignent d’une exécution remarquablement efficace, malgré un environnement opérationnel marqué par des contraintes sécuritaires et logistiques.
Cependant, des défis structurels ont affecté la fluidité du processus, notamment l’enclavement géographique de certaines zones, les retards liés à l’infrastructure numérique, l’absence d’espaces sécurisés pour les distributions et les interruptions occasionnelles causées par l’insécurité. L’accent mis sur les femmes comme principales récipiendaires des transferts monétaires a été largement reconnu comme un outil puissant d’autonomisation, leur conférant un meilleur contrôle sur les ressources financières et une influence accrue dans les décisions au sein du ménage. Neanmoins, les relations de pouvoir au sein des ménages, où les normes patriarcales peuvent réduire l’efficacité de cette stratégie, requièrent une analyse plus détaillée pour assurer une véritable équité. Ces constats soulignent la nécessité de renforcer les infrastructures locales, d’adopter une planification logistique plus solide, et de procéder à une évaluation régulière des effets des transferts monétaires sur les dynamiques de genre. Ils soulignent également l’importance de collaborer avec les leaders communautaires pour surmonter les barrières culturelles et sécuritaires, tout en garantissant un accès équitable aux ressources dans les zones les plus isolées. Au-delà des transferts monétaires, les mesures d’accompagnement ont enrichi l’approche du programme en favorisant une autonomisation durable, un aspect clé pour la résilience communautaire.
Les mesures d’accompagnement (MAcc) ont joué un rôle central dans l’approche intégrée du programme, en combinant des interventions en inclusion financière, santé, nutrition et hygiène pour promouvoir une autonomisation durable. Les Associations Villageoises d’Épargne et de Crédit (AVEC) ont mobilisé plus de 12 500 participants, dont une majorité de femmes, à travers des formations axées sur la gestion financière, l’entrepreneuriat et la création de micro-entreprises. Bien que l’approche andragogique ait été partiellement appliquée en raison de contraintes logistiques, elle a facilité l’appropriation des connaissances et renforcé les capacités des participants à gérer leurs ressources de manière autonome. Cependant, des défis opérationnels, tels que l’insécurité croissante, la dispersion géographique des bénéficiaires, les retards dans la livraison de matériels didactiques et les interruptions causées par des crises locales, ont limité la portée des interventions.
Les AVEC se sont révélées être des leviers puissants dans l’empouvoirement économique et la cohésion sociale, en offrant aux femmes un espace pour exercer un leadership communautaire et développer des réseaux de solidarité. Leur succès démontre le potentiel des approches communautaires pour transformer les dynamiques locales, même dans des contextes précaires marqués par l’instabilité. Pour maximiser leur impact, il est impératif de renforcer la formation des animateurs, d’améliorer la coordination logistique, d’investir dans la pérennisation de ces structures associatives et de les intégrer dans des réseaux économiques plus larges. Ces efforts permettraient de transformer les AVEC en piliers durables de l’économie locale, tout en amplifiant leur rôle dans l’autonomisation des femmes et la résilience communautaire. Complémentaires à ces initiatives économiques, les interventions en santé et nutrition ont ciblé les populations les plus vulnérables, renforçant l’approche holistique du programme.
Le volet santé-nutrition a ciblé les groupes les plus vulnérables, notamment les femmes enceintes et les femmes allaitantes (fefa), les enfants en bas âge (0-59 mois) et les personnes en situation de handicap, à travers des campagnes de sensibilisation, des dépistages systématiques et des formations communautaires. Plus de 51 000 personnes ont été sensibilisées aux bonnes pratiques sanitaires, 515 clubs communautaires ont été formés pour promouvoir la santé et la nutrition, et près de 4 700 enfants ont été dépistés pour des problèmes de malnutrition, avec un suivi adapté pour les cas identifiés. Ces interventions ont permis d’améliorer les connaissances sanitaires, de réduire les risques de malnutrition chronique et aiguë, et de promouvoir des comportements favorables à la santé, tels que l’allaitement exclusif et l’hygiène personnelle.
Toutefois, des contraintes structurelles ont freiné les progrès, notamment le manque de coordination entre les acteurs, les retards dans la formation des clubs d’adolescents, la disponibilité limitée des agents de santé communautaires (ASCP) dans les zones reculées et l’accès restreint aux services de santé de base dans certaines communes. Ces défis soulignent la nécessité de consolider le pilier sanitaire à travers une formation continue des ASCP, une meilleure planification des interventions et une coordination renforcée avec les structures de santé publique nationales. Une approche communautaire durable, intégrant des mécanismes de suivi à long terme et des partenariats avec des organisations locales, est indispensable pour pérenniser les acquis et maximiser l’impact sur la santé publique. En outre, l’intégration de technologies numériques, telles que des applications de suivi sanitaire, pourrait améliorer l’efficacité des interventions dans les zones difficiles d’accès. Pour garantir le succès de ces interventions, un système robuste de suivi-évaluation et de redevabilité a été mis en place, jouant un rôle clé dans la gestion du programme.
Les dispositifs de suivi-évaluation et de redevabilité ont été des piliers fondamentaux du succès opérationnel du programme, garantissant une gestion transparente et adaptative. L’Unité de Gestion du Programme (UGP/MAST), en collaboration avec le PAM, a mis en place un écosystème de suivi performant, intégrant des outils tels que le On Site Monitoring (OSM), les enquêtes post-distribution (PDM), les visites de contrôle in site et les groupes de discussion communautaires. Ces mécanismes ont permis une collecte régulière et fiable des données, la formulation de recommandations opérationnelles en temps réel et un suivi rigoureux de la satisfaction des bénéficiaires, renforçant ainsi la transparence et la crédibilité du programme. Cette dynamique de redevabilité a non seulement consolidé la confiance des communautés, mais aussi créé un espace d’apprentissage institutionnel, permettant aux parties prenantes d’ajuster les stratégies en fonction des réalités du terrain. Les rapports réguliers produits ont également servi à documenter les bonnes pratiques et à identifier les domaines nécessitant des améliorations, offrant ainsi une base solide pour les phases futures.
Cette approche, qui combine rigueur méthodologique, flexibilité opérationnelle et engagement communautaire, constitue un modèle pour d’autres programmes sociaux dans des contextes de fragilité. Pour renforcer davantage ce système, il serait pertinent d’intégrer des outils numériques avancés, tels que des tableaux de bord interactifs, pour faciliter l’analyse des données et la prise de décision en temps réel. Parallèlement à ce suivi-évaluation, le mécanisme de gestion des plaintes a aussi joué un rôle stratégique en offrant aux bénéficiaires une voix active dans le programme.
Le Mécanisme de Gestion des Plaintes (MGP), instauré par le Programme Alimentaire Mondial (PAM), s’est affirmé comme un instrument stratégique pour l’amélioration continue et un levier essentiel des résultats du Programme de Protection Sociale Adaptative pour une Résilience Accrue (PSARA) en Haïti. Grâce à des canaux accessibles tels qu’une hotline gratuite, des kiosques d’information implantés dans les communautés et des formulaires de rétroaction, le MGP a offert aux bénéficiaires un espace structuré pour exprimer leurs préoccupations et obtenir des réponses rapides et adaptées, renforçant ainsi la transparence et la confiance envers le programme. Ce dispositif a joué un rôle déterminant dans l’identification et la résolution des défis opérationnels, notamment les dysfonctionnements techniques de la plateforme MonCash, les erreurs administratives et les demandes d’inclusion non satisfaites, améliorant l’efficacité et l’équité des interventions. En favorisant un dialogue ouvert, le MGP a également contribué à prévenir les conflits communautaires, consolidant la cohésion sociale dans un contexte marqué par l’instabilité et la méfiance institutionnelle. L’intégration du système de gestion des plaintes (SGP) a encore renforcé la capacité du programme à répondre avec agilité aux besoins émergents, optimisant ses résultats opérationnels. La réussite du MGP repose sur l’engagement d’un personnel qualifié, une communication claire et inclusive des procédures, ainsi qu’une sensibilisation continue pour encourager la participation des communautés, y compris des groupes marginalisés comme les femmes.
Malgré des retards dans le traitement des plaintes complexes, dus à des contraintes techniques ou à des ressources humaines limitées, ce mécanisme a amplifié l’impact du programme en promouvant une répartition équitable des ressources et en renforçant l’autonomisation des populations vulnérables. En plaçant la redevabilité au cœur de ses priorités, le MGP a non seulement accru la crédibilité du PSARA, mais a également positionné ce dernier comme un modèle de protection sociale inclusive, illustrant le rôle crucial des systèmes de rétroaction participatifs dans des contextes de crise. Pour maximiser son efficacité, il serait pertinent de renforcer les capacités de traitement des plaintes complexes, de digitaliser certaines étapes pour accélérer les réponses et d’élargir l’accès aux kiosques dans les zones reculées. Ces réalisations significatives appellent à une analyse approfondie des impacts individuels et communautaires générés par ce mécanisme, afin d’en tirer des enseignements pour les futures interventions de protection sociale.
Les impacts mesurés du programme sont multiples, significatifs et multidimensionnels, touchant à la fois les individus, les ménages et les communautés. Pour les ménages, les transferts monétaires ont permis de réduire le stress financier, d’améliorer l’accès à une alimentation adéquate, de faciliter l’accès aux soins de santé et de couvrir d’autres besoins essentiels, contribuant ainsi à une amélioration tangible des conditions de vie. Au niveau communautaire, le programme a stimulé la solidarité, renforcé le tissu associatif local à travers les AVEC et dynamisé l’économie locale par l’injection de liquidités, favorisant ainsi une reprise progressive des activités commerciales. Les femmes, en particulier, ont bénéficié d’un effet d’autonomisation marqué, grâce à leur rôle accru dans la gestion autonome des ressources financières, leur participation active aux AVEC et leur visibilité accrue dans les espaces communautaires, où elles ont pu assumer des rôles de leadership. Ces transformations contribuent à reconstruire la cohésion sociale dans un pays marqué par la fragmentation, les tensions et les crises récurrentes. Les témoignages des bénéficiaires soulignent un sentiment renforcé de dignité, de reconnaissance et d’appartenance, des éléments essentiels pour leur résilience face aux chocs externes.
Bref, ces résultats démontrent que des interventions bien conçues, même dans des contextes de crise extrême, peuvent générer des impacts durables, poser les bases d’un développement social inclusif et catalyser des dynamiques de transformation positive. Ils soulignent également l’importance de maintenir un suivi à long terme pour évaluer la pérennité de ces acquis et leur contribution à la réduction des inégalités structurelles. Ces impacts, bien que prometteurs, s’accompagnent de leçons cruciales qui orientent les futures interventions.
Les leçons tirées de cette évaluation offrent des perspectives stratégiques et opérationnelles précieuses pour l’avenir des politiques sociales en Haïti et au-delà. Elles mettent en lumière la nécessité d’une gestion adaptative, capable de s’ajuster aux imprévus, et d’une planification stratégique basée sur des scénarios multiples pour anticiper les crises potentielles. Le renforcement de la gouvernance locale, à travers des institutions communautaires robustes et des partenariats multi-acteurs, apparaît comme une condition sine qua non de la durabilité des interventions. Par ailleurs, l’importance d’une communication communautaire proactive, de l’adaptation des outils aux réalités culturelles, linguistiques et socio-économiques, et de l’investissement dans la formation continue des agents de terrain est clairement établie comme un facteur clé de succès. L’appropriation par les bénéficiaires, soutenue par des mécanismes participatifs, et la coordination efficace entre les acteurs étatiques, non étatiques et internationaux sont également cruciales pour garantir des impacts à long terme.
Ces enseignements doivent servir de boussole pour la conception des futurs programmes sociaux, en s’appuyant sur les succès du PSARA tout en comblant ses lacunes structurelles et opérationnelles. Ils offrent une feuille de route pour transformer les politiques publiques en Haïti, en plaçant l’inclusion, la résilience et la justice sociale au cœur des priorités nationales. En outre, ces leçons ont une portée universelle, pouvant inspirer d’autres pays confrontés à des défis similaires dans la mise en œuvre de systèmes de protection sociale en contexte de crise. Ces leçons, combinées aux résultats concrets du programme, ouvrent la voie à une vision prétentieuse pour l’avenir de la protection sociale en Haïti.
En conclusion, l’évaluation de la composante 1 du PSARA démontre de manière convaincante qu’il est possible de déployer un programme social ambitieux, inclusif et transformateur, même dans un environnement marqué par des crises multidimensionnelles. Malgré les défis opérationnels et contextuels, le modèle mis en œuvre offre une base solide pour la consolidation d’un système national de protection sociale en Haïti, capable de répondre aux besoins des populations vulnérables tout en renforçant leur résilience face aux chocs futurs. Pour pérenniser ces acquis, il est impératif que les autorités nationales, les partenaires techniques et financiers, ainsi que les communautés elles-mêmes collaborent pour renforcer les capacités institutionnelles, sécuriser des financements à long terme et instaurer des mécanismes d’apprentissage continu. Cette expérience, par ses résultats concrets, son impact sur la cohésion sociale et sa capacité à générer des dynamiques positives, constitue une source d’inspiration pour d’autres initiatives en contexte de crise, où la protection sociale devient un levier stratégique pour la survie, le développement et la justice sociale. Les enseignements tirés de cette évaluation ne doivent pas être relégués à un simple exercice technique mais activement réinvestis dans une réforme durable de la gouvernance sociale haïtienne, au service de l’humain, de l’équité et de la paix. En consolidant ces acquis et en s’appuyant sur une vision stratégique, Haïti peut tracer une voie vers un avenir plus stable, inclusif et résilient, où la protection sociale devient un pilier central du développement national et un catalyseur de transformation sociétale.
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Pierre Lamour TAVERNE/ Economiste/ PDG IFEPME